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Premières Nations et entrepreneuriat

La professeure du Département de management Émilie Fortin-Lefebvre (Ph.D. administration des affaires, 2018) s’intéresse à l’entrepreneuriat en milieux marginalisés. L’un de ses derniers projets, financé en partie par le Conseil de recherches en sciences humaines (2018-2019), portait sur l’accompagnement entrepreneurial chez les Premières Nations. En partenariat avec la Commission de développement économique des Premières Nations du Québec et du Labrador, la recherche visait à dresser un portrait des pratiques tout en relevant les défis de l’accompagnement et les obstacles à l’entrepreneuriat.

Premier constat: les gens des Premières Nations font face à plusieurs barrières à l’entrepreneuriat. Parmi celles-ci se trouve l’éloignement géographique de plusieurs communautés. Loin des grands centres, la difficulté d’accès aux fournisseurs et le coût élevé du transport des marchandises constituent un frein à l’entrepreneuriat. «Plus une communauté est éloignée des grands centres et moins elle a accès à un marché et des infrastructures nécessaires à l’entrepreneuriat, explique Émilie Fortin-Lefebvre. «Je pense, par exemple, à une bonne connexion internet, mais ça vaut aussi pour l’accès à un réseau d’affaires.»

Émilie Fortin-Lefebvre a réalisé des entrevues auprès d’entrepreneurs issus de plusieurs communautés des Premières Nations. Elle s’est aussi entretenue avec des agents de développement économique, qui ont pour mission d’accompagner les membres des communautés dans leurs projets entrepreneuriaux.

Le lien avec le territoire et leur culture ancestrale est généralement très présent pour les entrepreneurs autochtones, fait remarquer la chercheuse. «Plusieurs entrepreneurs vont créer des produits à partir des ressources naturelles, par exemple, ou encore faire ressortir ce qui est propre à leur territoire et à leur culture, dit-elle. C’est une manière de perpétuer ce qui les rend unique. Leur identité peut devenir ainsi une opportunité entrepreneuriale.» La professeure souligne également la volonté des membres des Premières Nations de protéger leur culture et de développer une forme d’entrepreneuriat qui leur est propre. «Il y a également une forte tendance à utiliser l’entrepreneuriat pour redonner à leur communauté». Ainsi, plusieurs entreprises proposent des services autrement inaccessibles dans leur communauté, offrent un produit ou un service qui fait la promotion de la culture ancestrale ou accordent une priorité à l’embauche d’autochtones.

Obstacle majeur au crédit

Pour la plupart des Québécois, l’accès au crédit est une manière simple de financer un projet d’entreprise, ce qui n’est pas le cas pour les membres des Premières Nations. Ces derniers doivent plutôt opter pour l’autofinancement s’ils décident de se lancer en affaires. En effet, alors que le droit de possession est une condition pour obtenir des financements auprès d'institutions financières non autochtones, la Loi sur les Indiens interdit l'utilisation comme garantie des biens appartenant aux personnes autochtone résidant dans une communauté. Il est donc plus difficile pour elles d’obtenir le financement nécessaire au lancement d’une entreprise. «Les Québécois vont mettre leur maison en garantie afin de pouvoir obtenir les liquidités nécessaires  au financement de leur entreprise, illustre Émilie Fortin-Lefebvre. Pour les membres des Premières Nations vivant dans les communautés, il est impossible de procéder ainsi. Les banques sont trop frileuses à l’idée de leur accorder un prêt puisqu’elles ne pourront pas entamer de saisie en cas de non-paiement.»

Émilie Fortin-Lefebvre a mis sur pied cet été le Centre d’études pour l’autonomie économique des Premiers Peuples et des Inuits, dont l’objectif est de rassembler l’expertise autochtone et universitaire dans le but de développer des savoirs communs qui répondent aux besoins des peuples autochtones. Le Centre a aussi pour but de contribuer à créer et à renforcer les partenariats entre les milieux autochtone et académique. «L’idée est de créer une plateforme de collaboration entre les chercheurs, les organismes autochtones et les pouvoirs publics autour d’enjeux liés à l’autonomie économique, souligne la chercheuse. Je ne fais pas de la recherche sur les Autochtones, mais avec et pour eux. Je cherche d’abord à savoir ce dont ont besoin les partenaires avec lesquels je travaille. C’est une démarche de coconstruction des connaissances, de partage.»

Pour la petite histoire, c’est grâce au défunt professeur de l’École des sciences de la gestion et ancien premier ministre du Québec Bernard Landry si Émilie Fortin-Lefebvre poursuit aujourd’hui des recherches partenariales avec les communautés autochtones. «C’est lui qui m’a mise en contact pour la première fois avec le Grand Chef Huron, raconte-t-elle. Celui-ci m’a ensuite ouvert les portes de sa communauté et m’a référée à d’autres. J’ai pu terminer mon doctorat qui visait à mieux comprendre les caractéristiques de l’entrepreneuriat en communauté autochtone au Québec.»

Projet de recherche avec les Inuit

La professeure planche actuellement sur un projet de recherche portant sur l’autosuffisance économique des villages du Nunavik réalisé en collaboration avec l’Administration Régionale Kativik. Financé par le Fonds de recherche du Québec Société et culture (FRQSC), le projet s’échelonne sur une période de trois ans (2020-2023). «Il s’agit de voir comment les différents villages inuits, tous isolés les uns des autres, peuvent développer une économie à leur image et sur laquelle ils ont un contrôle, en étant le moins dépendants possible des entreprises du Sud qui cherchent à exploiter le Grand Nord, explique la professeure. Mon rôle est de structurer la réflexion pour qu’ils puissent miser sur leurs forces.»

Source :
Service des communications
UQAM, 16 octobre 2020

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