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Prix du Québec à Anne de Vernal

Pionnière en paléocéanographie, la professeure du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère Anne de Vernal est la lauréate 2020 du prix Marie-Victorin. Ce Prix du Québec, décerné depuis 1977, est la plus haute distinction attribuée par le gouvernement du Québec à une personne ayant mené une carrière remarquable en recherche dans le domaine des sciences naturelles et du génie.

Dès que la température descend en deçà de 25 °C, Anne de Vernal a froid, mais cela ne l’empêche pas de fréquenter les zones polaires et les mers arctiques depuis 40 ans pour y traquer les sédiments. Ces dépôts renferment en effet des micro-organismes fossilisés qui permettent de remonter le temps jusqu’à des millions d’années. «Il s’agit de données précieuses pour évaluer et comprendre les changements climatiques», explique-t-elle.

Un exemple? La calotte glaciaire du Groenland, qui s’est développée voilà plus de deux millions d’années, pourrait disparaître d’ici un millier d’années en réponse au réchauffement en cours. Sa fonte inquiète notamment parce qu’elle rehaussera le niveau moyen de la mer de plus de six mètres. En examinant le pollen fossilisé dans les sédiments, la chercheuse a démontré que le sud du Groenland avait déjà été libre de glace, il y a environ 400 000 ans, et même couvert par des forêts d’épinettes. Une découverte publiée dans la revue Science en 2008.

Un nouveau champ de recherche

Au début de sa carrière, à l’été 1980, alors qu’elle commence une maîtrise à l’Université de Montréal, sa soif de découverte la conduit en mission dans les monts Torngat, au Labrador. La vaste région qui s’étend de la terre de Baffin à la côte du Groenland, en couvrant la mer du Labrador et l’océan Arctique, demeurera son terrain de jeu pour les prochaines décennies.

La jeune chercheuse se passionne d’abord pour l’étude des microfossiles organiques, parmi lesquels les grains de pollen, qui révèle une image de la végétation et du climat à partir d’une pincée de sédiments. Puis, son intérêt se porte sur les kystes de dinoflagellés, des fossiles d’organismes unicellulaires faisant partie du plancton.

La pionnière ouvre alors un nouveau champ de recherche grâce à l’étude des assemblages de ces microfossiles. Ces témoins du passé renferment des informations sur les changements de conditions environnementales dans les océans, comme la température, la salinité et la productivité, permettant ainsi de retracer les variations du couvert de glace de mer. Patiemment, la chercheuse monte une base de données de référence répertoriant les populations de dinoflagellés dans les sédiments, non seulement dans l’Arctique, mais aussi dans l’Atlantique Nord, le Pacifique et, maintenant, les milieux tropicaux. L’outil comprend près de 2 000 points qui dénotent les modifications du climat et de l’océan à l’échelle des millénaires.

Grâce à de telles informations, les modélisateurs peuvent mieux tester les prévisions d’évolution du climat et des grandes calottes glaciaires. «Les chercheurs disposent actuellement de séries de données instrumentales très courtes pour élaborer et valider des modèles mathématiques extrêmement complexes, explique la paléocéanographe. Les observations recueillies par satellite sont récentes. Il faut donc remonter dans le temps pour connaître les variations climatiques de forte amplitude.» Cet apport lui a valu des publications dans des revues aussi prestigieuses que Nature ou Science ainsi que plusieurs distinctions, comme la nomination à la Société royale du Canada en 2013.

Rayonnement international

Figure de proue du Centre de recherche sur la dynamique du système Terre à l’UQAM, Anne de Vernal fait partie des spécialistes les plus cités dans sa discipline au Canada. Elle contribue aux travaux d’un organisme mondial qui coordonne la recherche sur les paléoclimats ainsi qu’à ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Près d’une centaine de professionnels doivent une part de leur éducation aux cycles supérieurs à cette chercheuse qui a participé à de nombreuses expéditions internationales d’envergure, notamment celle du Polarstern, en 2014.

Au moment où sont écrites ces lignes, la scientifique espérait d’ailleurs avoir la chance de naviguer sur le JOIDES Resolution, navire de l’International Ocean Discovery, pour longer les côtes groenlandaises dans la mer du Labrador et la baie de Baffin. Le but? Réaliser des forages de plusieurs centaines de mètres dans les sédiments pour reconstituer l’histoire de la calotte glaciaire du Groenland, dont la fonte ne cesse de s’accélérer.

Anne de Vernal souligne que ce déclin n’entraîne pas seulement une augmentation des niveaux des mers. Elle joue aussi un rôle de premier plan dans la circulation océanique et dans les bilans d’énergie, puisque la glace réfléchit la lumière. Toute information permettant de prévoir le devenir de la calotte groenlandaise s’avère donc extrêmement utile. Même s’il ne s’agit que de microscopiques fossiles enfouis depuis des millions d’années…

Source :
Service des communications
UQAM, 5 novembre 2020

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