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Écoanxiété : craindre l’ultime catastrophe

Quand on lit que les déchets dans les océans s’agglutinent pour former des continents ; que des forêts entières sont rasées au profit de l’activité humaine ; et que les gaz à effets de serre réchauffent la planète, c’est difficile de rester optimiste. En fait, la crise environnementale actuelle préoccupe certaines personnes au point de les rendre anxieuses. Pour elles, les bouleversements reliés aux changements climatiques ne sont pas qu’une simple éventualité ; ils occupent leur esprit au point d’affecter leur santé mentale.

Si le thème de « l’écoanxiété » n’est pas encore une entité clinique au point de le considérer comme un diagnostic en soi, plusieurs spécialistes commencent à s’y intéresser. Pour Frédéric Langlois, professeur au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), ce concept peut être conceptualisé comme un des nombreux thèmes d’inquiétude que l’on peut retrouver dans le trouble d’anxiété généralisée.

Cependant, « lorsqu’on commence à analyser comment l’écoanxiété est abordée en général, on se rend compte qu’il y a deux tendances. D’une part, on peut le voir sous la lorgnette des troubles anxieux reliés à la perception d’un danger futur. Il y a des personnes qui anticipent les conséquences négatives des changements climatiques et qui réagissent à l’incertitude que cela provoque. D’autre part, il peut aussi s’agir d’un sentiment de profond désespoir. Pour les personnes qui vivent l’écoanxiété de cette façon, la catastrophe environnementale est annoncée, et personne ne fait quoi que ce soit pour l’empêcher. C’est davantage un sentiment d’impuissance qu’ils ont face à la situation », explique-t-il.

Le professeur constate également que l’écoanxiété est un phénomène qui touche davantage les générations plus jeunes. Il précise que dans leur évaluation du risque, les jeunes estiment qu’ils subiront les conséquences des changements climatiques au cours de leur vie. Ils seraient donc plus sensibles aux enjeux environnementaux, et seraient plus préoccupés par l’ampleur du travail à accomplir pour améliorer le sort de la planète.

Chez les personnes plus âgées, les comportements sont plus difficiles à changer, car cela implique un certain renoncement à des avantages de la consommation. M. Langlois indique qu’étant donné que leurs habitudes sont bien ancrées, ils pourraient tomber plus facilement dans le piège du déni, de l’évitement, ou de la dissonance cognitive et ainsi ne pas considérer les changements climatiques comme une menace si immédiate.

« Toutefois, il ne faut pas oublier qu’au cours des années, les gens plus âgés ont été témoins de toutes sortes de problèmes. Cette expérience les a amenés à avoir confiance en la capacité de l’être humain à trouver des solutions. Donc, tout ne relève pas uniquement du déni, mais implique aussi d’une vision différente du pouvoir face à l’avenir », prévient-il.

En ce sens, le professeur rappelle qu’il vaut mieux éviter les stéréotypes générationnels.

« Ce serait faux de dire que les plus âgés sont inconscients par rapport à la crise, alors que les jeunes la considèrent avec lucidité. La vérité, c’est qu’il y a des gens plus âgés très impliqués d’un point de vue environnemental, tout comme il y a des jeunes qui n’accordent aucune importance aux changements climatiques », remarque-t-il.

Faire face au problème

Bien qu’il ait un consensus scientifique voulant que l’humanité accroisse sans cesse son empreinte sur l’environnement, l’avenir de la planète demeure difficile à prédire. Entre-temps, le spectre de la fatalité continue de coller à la peau des écoanxieux. Dans ce contexte, comment peuvent-ils faire pour mieux vivre leur vie ?

« La meilleure stratégie pour combattre la peur et le désespoir, c’est de miser sur l’action et la résolution de problème. L’évitement ou l’abattement ne sert à rien. Ce n’est pas en se barricadant ou en s’isolant chez soi qu’on va améliorer sa situation ; c’est en s’impliquant pour changer les choses. En posant des gestes concrets pour prévenir les catastrophes écologiques, les gens qui souffrent d’écoanxiété sont amenés à aborder le problème directement. Cela leur fait sentir qu’ils ont un impact positif sur la situation, en plus de diminuer leur sentiment d’impuissance, ce qui leur procure des émotions plus agréables », avance M. Langlois.

Évidemment, le problème des changements climatiques est complexe, et comporte de multiples facettes. Pour cette raison, le professeur croit qu’il serait démoralisant de s’attaquer à tous les aspects de la crise en même temps. Il conseille plutôt de consacrer ses énergies à un champ d’action important pour soi, et où on sent qu’on peut mettre ses forces et ses compétences au profit de la société.

« Si on conçoit la pollution, la surconsommation et les autres problématiques environnementales comme un seul et même bloc, c’est certain que c’est décourageant. Cependant, la tâche apparaît bien plus réalisable en compartimentant chacun de ces aspects. En se concentrant sur une partie du problème, et en se fixant un objectif réalisable et concret, les gens peuvent ressentir que leurs efforts dans la lutte contre les changements climatiques sont utiles », souligne M. Langlois.

« L’optimisme se développera encore plus facilement chez les personnes qui vont se rapprocher des autres. Le fait de travailler en équipe contre la crise environnementale crée un lien entre les individus. C’est bon pour le moral, et ça procure une énergie positive qui aide les écoanxieux à aller de l’avant », conclut-il.

Source :
Service des communications
UQTR, 13 mai 2021

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