Aller au contenu principal

À l’assaut de l’insécurité alimentaire

Au tout début de la pandémie, plusieurs ont redouté qu’une faille survienne dans l’approvisionnement en nourriture. Pendant cette période incertaine, Nathan McClintock, professeur et chercheur en géographie au Centre Urbanisation Culture Société de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), cherchait une façon d’aider les résidents des quartiers défavorisés de Montréal à obtenir des fruits et légumes frais.

« Les quartiers à faible revenu, où vivent souvent les communautés multiethniques, ont été touchés plus durement par la COVID-19 et par l’insécurité alimentaire », observe-t-il. Selon une enquête réalisée par l’Institut universitaire SHERPA du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, les intervenants sur le terrain ont constaté qu’au cours du printemps 2020, « le nombre de personnes ayant recours aux banques alimentaires aurait triplé » dans ces quartiers défavorisés et que ces  organismes peinaient à combler les besoins de la population locale.

Nathan McClintock a uni son expertise à celle du professeur à l’INRS Jasmin Raymond, spécialisé en énergie géothermique, pour mettre sur pied CommunoSerre, un projet de serres urbaines. Le premier étudie les défis sociaux soulevés par l’intégration de serres en milieu urbain, tandis que le second s’occupe plutôt de l’aspect technologique de la chose, comme l’efficacité énergétique des futures serres.

Le coup de pouce vert

Les chercheurs le soulignent d’emblée : l’idée n’est pas de construire une serre de A à Z, mais bien de proposer aux communautés une sorte de boîte à outils qui aidera à implanter l’agriculture de proximité dans un paysage urbain où l’espace est souvent limité.

« On veut stimuler l’agriculture urbaine, tout en facilitant l’accès à la technologie aux groupes de citoyens. Pour ce faire, on souhaite leur offrir des solutions de rechange économiques et accessibles sur le plan technique pour leur permettre, par exemple, de prolonger la saison de culture ou de diminuer la consommation énergétique des serres », explique Jasmin Raymond. L’équipe peut ainsi conseiller d’isoler le mur nord de la serre pour réduire la dépense énergétique, ou encore de transformer un abri d’auto temporaire de type Tempo… en serre géothermique ! Ce n’est pas une solution « sexy », comme le fait remarquer Nathan McClintock, mais plusieurs organismes communautaires n’ont pas le luxe de construire une serre qui coûte des millions de dollars. « Cela dit, peut-être que la serre “Tempo” offrira des avantages semblables à ceux d’une serre plus coûteuse et permettra de produire des fruits et des légumes toute l’année ! » avance-t-il, enthousiaste.

Avant tout, les chercheurs souhaitent que les citoyens s’approprient la serre de leur quartier. « On doit vraiment penser aux aspirations des habitants des quartiers touchés et comprendre comment ils participeront au projet », insiste Nathan McClintock.

Si une serre urbaine peut devenir un moteur de changement dans un quartier, encore faut-il qu’elle soit placée au bon endroit. « Il faut faire attention pour éviter l’“embourgeoisement vert”, avertit le professeur. C’est un phénomène qui survient lorsque les aménagements écologiques sont rassemblés dans les quartiers en transition et attirent des classes de personnes plus aisées à la recherche de ces commodités. »

Pour le moment, le projet en est encore à ses débuts, mais il arrive à point nommé. « On sent un vent d’enthousiasme envers l’agriculture urbaine », remarque M. McClintock, qui ajoute : « Il y a eu de nouveaux fonds créés par le gouvernement québécois pour soutenir la production en serre. » De son côté, la Ville de Montréal a l’objectif ambitieux d’augmenter de 33 % la superficie consacrée à l’agriculture urbaine. Son plan inclut entre autres des espaces pour des serres ainsi que d’autres types d’aménagements (arbres fruitiers, jardins collectifs, petits élevages, etc.).

L’équipe de l’INRS s’affaire à dresser l’inventaire des serres existantes et des quartiers de Montréal qui pourraient en accueillir d’autres à venir. Les chercheurs recueilleront ensuite les opinions des citoyens, qui, espèrent-ils, seront inspirés par CommunoSerre.

Lire l'article en format PDF

Source :
Annie Labrecque
La recherche dans le réseau
de l'Université du Québec
Québec Science
Décembre 2021, p. 11

© Université du Québec, 2024

Mise à jour: