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Le virus de l’innovation

Les sciences de la mer, c’est plus que l’étude des courants marins ou des organismes vivants qui peuplent le fond des océans. Réjean Tremblay en sait quelque chose, lui qui se consacre à la mise au point de biotechnologies marines à titre de professeur en écophysiologie et aquaculture à l’Institut des sciences de la mer de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). « On connaît à peine de 20 à 30 % des espèces de microalgues existantes sur terre. Chacune est en soi une petite usine à biomolécules; chacune a un potentiel pour un large éventail de secteurs, dont celui de la santé », explique-t-il.

La pandémie de COVID-19 fournit à ce chercheur une occasion en or de faire valoir son point. Depuis le printemps 2021, il recourt à des molécules produites avec des microalgues enrichies à 99 % de carbone 13, un isotope stable, afin de mieux étudier les processus inflammatoires liés au coronavirus. « On travaillait déjà sur l’usage de microalgues marines enrichies dans plusieurs applications. Les tester sur des cellules humaines in vitro est néanmoins un tout nouveau champ de recherche », confirme Réjean Tremblay.

Les cellules en question sont situées dans les poumons. Lorsque la COVID-19 les infecte, une réaction inflammatoire intense se met en branle, pouvant aller jusqu’à un emballement anormal du système immunitaire. Bien qu’ils soient mieux compris, les mécanismes biochimiques en jeu dans cette réponse immunitaire complexe sont encore aujourd’hui à l’étude. C’est là tout l’intérêt des microalgues marines enrichies : elles permettent de percer le mystère de ce qui se passe à l’intérieur de cultures cellulaires avec l’aide de la résonance magnétique nucléaire (RMN) et de la spectroscopie de masse. Ces algues produisent beaucoup d’acides gras, qui alimentent en quelque sorte la cascade inflammatoire; de quoi nourrir le « film » de l’inflammation et le voir se dérouler in vitro. « En couplant la RMN et la spectroscopie de masse, on voit en haute définition la mobilisation des com- posés actifs lors des processus inflammatoires caractéristiques de la COVID-19 », précise le scientifique. L’enrichissement de microalgues en isotopes, qui servent en quelque sorte de traceurs, est assuré par l’entreprise rimouskoise Iso-BioKem.

À terme, ces travaux faciliteront l’étude et la mise au point de nouveaux médicaments anti-inflammatoires contre la COVID-19. « La version finale de notre plateforme sera prête d’ici l’été prochain, si tout va bien. Dès lors, on mettra au point des solutions plus appliquées », prévoit Réjean Tremblay.

Néanmoins, tout cela ne risque-t-il pas d’arriver trop tard ? « Le virus est là pour de bon; on devra apprendre à vivre avec. Diminuer les poussées inflammatoires qui lui sont attribuables sera encore pertinent dans plusieurs années », avance-t-il.

Toussez !

De la même manière, il faudra continuer à traquer le SRAS-CoV-2, le virus à l’origine de cette pandémie dont on se souviendra longtemps. À l’heure actuelle, le dépistage de la COVID-19 se fait principalement par prélèvement d’un échantillon au fond de la gorge et du nez qui est ensuite analysé en laboratoire. Or, s’il n’en tenait qu’à Roberto Morandotti, professeur et chercheur au Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), une simple analyse du son de la toux d’une personne potentiellement infectée pourrait bientôt suffire.

En soi, la reconnaissance vocale n’est pas révolutionnaire; après tout, plusieurs assistants personnels intelligents, notamment Alexa, Siri et Cortana, sont capables de reconnaître la voix humaine depuis plusieurs années déjà. Pareil exploit peut cependant profiter au milieu de la santé. « L’intelligence artificielle (IA) permet de traiter toutes sortes de choses, y compris les biomarqueurs vocaux et les modifications des sons respiratoires. On pense qu’elle est capable de capter des patrons qui échappent à notre oreille », affirme Roberto Morandotti, qui mène ce pro- jet en collaboration avec son collègue Tiago Falk.

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Source :
Maxime Bilodeau
La recherche dans le réseau
de l'Université du Québec
Québec Science
Décembre 2021, p. 3-5

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