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Maladies orphelines : un groupe de soutien

Le parcours des personnes souffrant d’une maladie orpheline, une maladie rare qui affecte moins d’une personne sur 2000, est semé d’embûches: souvent, elles ne réussissent pas à obtenir un diagnostic clair et un traitement efficace, faute de connaissances médicales. En effet, le faible nombre de cas vus en clinique fait en sorte qu’il est difficile pour les médecins de reconnaître ces affections. Environ 500 000 Québécois seraient atteints d’une maladie rare, comme la maladie de Hirschsprung, le syndrome CHARGE et la leucodystrophie de Krabbe.

«Ces personnes ressentent souvent une grandes détresse psychologique et sont livrées à elles-mêmes, souligne le professeur du Département des sciences biologiques Nicolas Pilon, qui dirige le Centre d’excellence en recherche sur les maladies orphelines – Fondation Courtois (CERMO-FC) de l'UQAM. Il faudrait améliorer leur prise en charge, et ce, tant au niveau médical que psychosocial.»

Briser l’isolement

Pour combler le manque de ressources psychologiques, le professeur a participé à la réalisation d’un nouveau programme de soutien spécialisé pour les personnes vivant avec une maladie rare ou orpheline (MRO) en collaboration avec des membres du Département de psychologie, dont la professeure Cécile Bardon (Ph.D. psychologie, 2015). Unique au Québec, le projet pilote d’une durée de huit semaines a été financé par la Fondation du Grand Défi Pierre Lavoie, qui alloue chaque année un montant à des projets de recherche sur les maladies rares et orphelines.

Il existe déjà des groupes de soutien formés de pairs aidants ou destinés aux parents, mais aucun programme thérapeutique. «Habituellement, les chercheurs qui s’intéressent aux MRO étudient les causes et les symptômes d’une seule maladie orpheline, qui touche peu de gens, note Cécile Bardon. Dans notre cas, l’aspect novateur, c’est de procéder à l’inverse: nous nous intéressons à l’expérience commune des personnes qui souffrent de différentes maladies orphelines, pour comprendre les conséquences psychosociales de la maladie et mieux répondre à leurs besoins.»

Spécialiste des interventions en prévention du suicide, Cécile Bardon a œuvré auprès des travailleurs du domaine ferroviaire, des enfants et des personnes ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme. Elle est directrice associée au Centre de recherche et d’intervention sur le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie (CRISE) et chercheuse à la Chaire de déficience intellectuelle et troubles du comportement (DITC) de l’UQAM.

Depuis le 23 septembre dernier, sept femmes prennent part au programme thérapeutique, qui se déroule entièrement en ligne, pandémie oblige. «Ces femmes ont comme points communs l’isolement, l’anxiété et le fait qu’elles n’ont pas accès à des services psychologiques à cause des délais pour y accéder ou des coûts», précise la psychologue.

Des relations difficiles avec les proches mènent souvent les personnes vivant avec une MRO au repli sur soi. «La maladie est au cœur des interactions, surtout s’il y a beaucoup de limitations physiques ou de symptômes, explique Cécile Bardon. La famille, les amis, les collègues deviennent au fil du temps épuisés d’en entendre parler et se détachent. Une réaction regrettable, mais normale.»

Chaque semaine, les participantes assistent à deux sessions de groupes. Ces séances sont menées par les doctorants en psychologie Floryana Viquez et Zakaria Mestari, sous la supervision clinique de la professeure Mélina Rivard. Les participantes bénéficient également d’un suivi individuel assuré par les étudiants. «Après chacune des sessions, elles sont invitées à faire à la maison des exercices de méditation pleine conscience et de relaxation et à poursuivre leurs réflexions sur les thèmes discutés ensemble comme les objectifs de vie ou les relations avec les autres. L’idée n’est pas de développer une spiritualité, mais de trouver des moyens pour se recentrer sur ses besoins et ce qui est important», précise Cécile Bardon.

Accepter, s’engager, se libérer

Le programme de soutien thérapeutique repose sur les fondements de la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) et sur la théorie de la psychologie de la libération. «L’ACT vise à travailler sur les choses qu’on ne peut pas changer dans la vie», dit la professeure. Selon la chercheuse, cette approche thérapeutique fonctionne bien avec les personnes atteintes de problèmes de santé chroniques. «Lors d’une thérapie classique, les patients peuvent aspirer à une récupération complète, voire à une rémission de leurs symptômes, ce qui n’est pas le cas pour ceux ayant des problèmes chroniques, observe-t-elle. Les symptômes ne disparaîtront pas.» Sans faire en sorte que la maladie prenne le dessus sur leur vie, ces personnes devront apprendre à composer avec celle-ci (et non pas envers et contre la maladie), tout en sachant reconnaître les moments de bien-être malgré les symptômes afin de pouvoir mieux en profiter.

Selon la psychologie de la libération,  «les gens en situation de fragilité se trouvent à l’intersection de différentes sources de vulnérabilité socialement construites», explique Cécile Bardon. Par exemple, si on souffre d’une maladie grave qui limite notre capacité de travailler, le problème vient autant du milieu du travail que de nous, dit la professeure. Cette approche permet de trouver des moyens d’agir sur le problème en identifiant dans la vie d’une personne les lignes de force qui l’empêchent d’atteindre un niveau de bien-être qui lui convient.

La professeure espère que le projet sera ensuite repris par d’autres cliniciens ou encore adapté en fonction de l’âge des personnes vivant avec une MRO. «Comme la maladie orpheline se déclare dans la plupart des cas durant l’enfance, le passage de l’enfance à l’âge adulte constitue un moment critique pour ces personnes, puisqu’elles ne seront plus suivies en pédiatrie. La prise en charge est différente».

Deux autres groupes de soutien psychosocial seront offerts en janvier prochain. Pour plus d'information: programme.mro@gmail.com 

Source :
Service des communications
UQAM, 9 octobre 2020

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